Changement d’une sablière
Dans le cadre de la restauration de maisons à colombages, les sablières basses, éléments porteurs essentiels de la structure, sont souvent très abîmées. Elles nécessitent, dans le meilleur des cas, un remplacement partiel, mais le plus souvent un remplacement complet en raison de leur dégradation avancée.
Puisque l’ensemble de la maison repose sur cette pièce maîtresse, il est indispensable, dans un premier temps, de étayer entièrement la façade (ou plusieurs façades, comme dans le cas présenté ici) et de répartir la charge sur un étaiement en bois. Grâce à cette technique, les fondations et les éléments détériorés situés en partie basse peuvent être retirés en toute sécurité.
Avant le taillage de la nouvelle pièce, il convient de vérifier les pieds des poteaux de la façade, emboîtés dans la sablière, et de les purger si nécessaire. Les poteaux d’angle requièrent une attention particulière, car ils sont souvent endommagés au niveau de leur assemblage avec la sablière.
Les sablières sont des pièces maîtresses de grandes dimensions. Dans notre cas, la sablière mesure 29 cm d’épaisseur pour 52 cm de hauteur. De plus, la pièce d’origine était légèrement courbée, et les poteaux de la façade présentaient des longueurs irrégulières. Trouver un bois de près de 10 mètres avec une courbure idéale représente un véritable défi. Heureusement, nous collaborons avec des partenaires comme Kirchhoffer Bois à Bartenheim et la Scierie de Lutter, qui nous fournissent des bois parfaitement adaptés à nos projets.
Le recours à une grume de chêne permet d’obtenir une pièce sur mesure, tant en forme qu’en dimensions. Contrairement aux bois sciés industriellement, cette technique de taillage traditionnel s’intègre harmonieusement à l’ensemble de la structure.
La grume, d’un diamètre de 75 cm et d’un poids supérieur à 2 tonnes, avait été abattue l’hiver précédent par des bûcherons – comme le voulait la tradition au XVIIe siècle, époque probable de construction de la maison – afin de permettre un taillage sur bois frais.
Les relevés de mesures effectués sur les poteaux déterminent la forme et les dimensions de la pièce à réaliser. Pour des raisons d’économie de temps et d’effort, le taillage s’effectue en technique mixte :
- La forme générale est d’abord dégrossie à la tronçonneuse et à la scie circulaire.
- Les faces de finition sont ensuite retravaillées à la hache pour conserver l’aspect traditionnel.
- Les entailles des mortaises, destinées à recevoir les tenons, doivent être réalisées au millimètre prèspour garantir un assemblage parfait.
La pièce, pèse environ 1,5 tonne (voire plus) et doit être manœuvrée avec précaution jusqu’à son emplacement final. Cette étape est délicate, les conditions d’accès n’étant pas toujours optimales. Dans notre cas, la sablière devait être hissée sur un marchepied d’environ 1 mètre, enfilée derrière l’étaiement sur une longueur de 9 mètres, puis positionnée avec précision sous les poteaux. Une fois en place, elle est levée à l’aide de crics, de cales et de leviers.
Ce travail de précision comprend deux assemblages d’angle et sept tenons à emboîter dans la même pièce. Chaque mouvement doit être lent, réfléchi, millimétré.Après plusieurs heures d’efforts, la pièce est enfin en place. Les assemblages sont parfaits.
Il ne reste plus qu’à poser les clés.
Vient alors le tour du maçon, qui reprend les fondations, maçonne les murs de soutènement sous la sablière, avant que la maison ne repose à nouveau sur des bases solides et fidèles à son histoire.